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Crédit immobilier : portabilité et transférabilité, les clés de la reprise ?

Publié le 28/05/2024

La portabilité et la transférabilité des prêts immobiliers sont parfois évoquées pour permettre une sortie rapide de la crise qui paralyse les marchés depuis plus de 4 ans. pourtant, le redémarrage actuel du marché des crédits et la remontée du marché de l'ancien qui s'est amorcée ont changé la donne, depuis plusieurs mois déjà.

Mais qu'importe, la boîte à outils qui regorge déjà de propositions est suffisamment grande pour acceuillir deux nouveaux entrants. on y trouve évidemment la fameuse baisse générale des prix de l'immobilier (neuf et ancien) qui aurait dû redynamiser automatiquement les marchés, comme la Banque Centrale de France a pu laisser croire; la nécessité de restructurer un appareil de production (constructeurs, promoteurs, commercialisateurs, gestionnaires,...) inadapté aux exigences nouvelles de la "start up nation" voulue aux plus haut de l'Etat; ou encore l'impérieuse nécessité de lutter contre cet ennemi invisible mais "très dangereux" pour la stabilité du système bancaire français, le supposé et très médiatique surendettement immobilier des ménages. 

Néanmoins, et comme pour la plupart de ces idées "nouvelles", peu (voire pas) d'études d'impact sont proposées à l'appui d'une présentation trop souvent sommaire de ce que pourraient apporter la portabilité et la transférabilité. Afin de savoir, par exemple, combien de ménages seraient concernés, quelles conséquences à court et à moyen terme sur l'appareil de production et les marchés, quel effet sur un secteur bancaire bousculé par plusieurs années de crises économiques et sanitaires... Mais qu'importe au final, si les deux mesures donnent vraiment les clés de la reprise !

 

La portabilité d'un prêt pour un emprunteur

"Afin de prévenir une hausse des taux d'intérêt qui commence et préserver le pouvoir d'achat, nous proposons de réintroduire dans les nouveaux contrats de prêt, la portabilité et la transférabilité de prêt pendant une durée de dix ans". Dans sa contribution au Groupe "Redynamiser l'accession à la propriété" du Conseil National de l'habitata, en juin 2023, la FNAIM reprenait la proposition formulée par Loîc Cantin (en mai 2022) lors de sa campagne pour la présidence de cette fédération professionnelle. 

La portabilité d'un prêt consisterait à permettre à un propriétaire s'engageant dans un nouvel achat à la suite de la revente de son bien immobilier actuel de conserver les mêmes conditions de crédit que celles  qui lui avaient été faites par la banque lors du financement du bien actuellement revendu. Il ne s'agirait cependant pas d'obtenir un nouveau prêt aux conditions de celui qui est en cours. Mais cela permetterait de garder le taux de prêt initial : ce qui, à l'extrême et pour des prêts à 30ans ou plus, reviendrait à accorder des prêts dont les condtions seraient conservées "tout au long de la vie" d'un ménage ! Et aussi, par exemple, de ne pas avoir à supporter les pénalités de remboursement anticipé éventuellement prévues dans le contrat de prêt initial (et déjà fortement plafonnées par la règlementation actuelle, au regard de la pratique des principaux partenaires européens). 

Cette "nouvelle" portabilité ne concernait évidemment que les pprêts dits "non réglementés", puisque concernant les prêts réglementés (PTZ, PAS, PC et épargne-logement), une telle possibilité existe déjà sous réserve de l'accord de la banque les ayant octroyés et du respect des éventuelles conditions de leur bénéfice, même si elle est peu mise en oeuvre compte tenu de la lourdeur des dispositions prévues à cet effet. Elle nécessiterait bien sûr l'accord de toutes les parties concernées : le prêteurin initial et l'assureur; mais aussi l'oganismede caution ayant accordé la garantie lors de l'octroi du prêt initial. Et dans le cas d'un prêt garanti par une hypothèque (moins du tiers de la production de crédits immobiliers), il conviendrait de prévoir un nouvel acte notarié (et les frais afférents à la charge de l'emprunteur) du fait du changement de garantie et de l'inscription de la nouvelle garatie !

Il n'est pas certain et loin s'en faut que cette proposition consiste en une bonne idée, en période de cycle baissier des taux tel celui qui s'est amorcé dès janvier 2024. D'autant que la contrainte imposée par le taux d'usure pourrait risquer de mordre sur l'ancien taux pratiqué : tel serait le cas, par exemple, en période de fluctuation des taux. 

En outre, les conséquences financières de la mise en oeuvre de la portabilité sur l'équilibre économique des banques françaises ne doivent pas être négligées. Le montage et la complexification des dossiers ont un coût, comme cela est vrai pour n'importe quelle activité économique (les promoteurs, les constructeurs de maisons individuelles, les gestionnaires de patrimoine, les agents immobiliers,...) et il faudrait sans aucun doute les répercuter sur les nouveaux emprunteurs qui supporteraient donc les cnséquences de cette "rente de situation", comme certain l'auraient qualifiées en d'autres domaines : ou bien on considère que cela n'a pas à être et que les banques "paieront", risquant de les fragiliser un peu plus dans un secteur particulièrement concurrentiel (au niveau international, notamment). En outre, on peut crandre que face à un risque d'allongement de la durée des engagements des banques lors de l'octroi de nouveaux prêts, le régulateur estime que la couverture des risques doit être renforcée, entrainant une augmentation supplémentaire des taux des crédits immobiliers : pour simplifier, le changement du modèle de financement de la production nouvelle présente aussi un coût, du fait de l'allongement de la portabilité actuelle des prêts (de l'ordre de 8 années, en raison de la "mobilité" des emprunteurs : divorce, changement de région, agrandissement des familles,...) imposée par la mise en oeuvre de la portabilité (une durée pouvant potentiellement aller jusqu'à 25 ans) ! 

Sans oublier que rien ne serait réglé face aux difficultés actuelles d'accès au crédit immobilier (le rationnement dur crédit immobilier voulu par la Bnaque de France et le ministère de l'Economie), puisqu'il est peu probable que le capital restant dû du prêt porté soit suffisant pour financer le nouveau bien. Sauf évidemment, si la pratique se répendant de la vente de biens spacieux et chers pour acquérir des logements de plus faible surface, de moindre qualité et moins chers ! Ce qui en soit ne risquerait pas d'être considéré comme un progrès. 

Compte tenu de toutes ces considérations et en l'abscence d'une étude d'impact, le Groupe du Conseil National de l'Habitat n'avait pas retenu le portabilité parmi ses propositions présentées en septembre 2023. Ni d'ailleurs la transférabilité des prêts ! 

 

La tranférabilité d'un prêt du vendeur à l'acheteur

La transférabilité des prêts consiste à lier au bien financé et non plus à l'empruteur, comme cela est le cas pour les deux tiers des achats immobiliers. Le solde du prêt antérieurement souscrit est alors à la charge de l'acquéreur du bien immobilier qui sera ainsi (en partie) financé suivant un modèle de cession de dette, si la cause de transférabilité figurait dans l'offre du prêt initiale. 

Cette faculté qui révèle du domaine contractuel est déjà prévu par la Code de la consommation faisant état "des conditions requises pour un transfert éventuel du prêt à une tierce personne". 

Il convient en effet pour l'oganisme bancaire concerné de suivre les mêmes procédures de contrôle et de vérification que lors de la mise en place d'un crédit à un nouveau client. Et pourtant la banque concernée devrait "accepter" d'accorder les mêmes conditions financières au nouve emprunteur que celles qui avait été négociées avec le précédent, alors qu'entre-temps l'environnement a pu se modifier plus ou moins profondément et que le nouvel emprunteur va appartenir à une classe de rsiques probablement différente (solvabilité du client, exposition au rsique de chômage,..). Et il n'est pas inutile de rappeler, quitte à le répéter, que dans la pratique des banques françaises (compte tenu du modèle français de financement du logement), le taux des crédits octroyés est défini "au cas par cas", selon les caractéristiqyes de l'emprunteur (sa situation personnelle et patrimoniale, sa capacité de remboursement et l'analyse de son projet): à la différence de la pratique rencontrée dans d'autres pays, le taux n'est donc pas déterminé en fonction du bien fianncé (localisation, qualité, caractéristiques,...).

De plus, le "nouvel" emprunteur devra obtenir une garantie personnelle (une caution solidaire) ou le transfert de la garantie hypothécaire précédente auprès de son notaire. Sans oublier l'assurance emprunteur, évidemment. 

Rien n'est donc forcément aussi simple que souvent évoqué, d'autant que le "nouvel" emprunteur devra presque toujours obtenir un prêt complémentaire...

 

Et beaucoup d'autres questions en suspens 

Même si les deux mesures "nouvelles" ont souvent été présentées comme capables de débloquer le marché de l'immobilier résidentiel (tel est notamment le point de vue des Notaires du Grand Paris), il n'est guère certain qu'elles permettent vraiment de réduire le coût du crédit et de favoriser rapidement la fuidité du marché. Qu'il s'agisse des crédits en cours pour lesquels la loi ne peut pas grand-chose s'agissant de contrats; ou des futurs crédits, en l'abscence d'un cavalier législatif prenant place dans le projet de loi relatif au "développement de l'offre de logements abordables" qui devrait être présenté au Sénat en juin prochain, puis au Parlement en septembre. 

Bien sûr, le député de Seine Maritime Damien Adam a déposé le 2 mai dernier une proposition de loi (n°2583) "visant à généraliser la clause de portabilité aux offres de prêts immobiliers". Elle vise à accompagner le 8° de l'article L313-25 du Code de la consommation, en insérant un 8° bis ainsi rédigé "l'emprunteur peut maintenir les conditions du prêt accordé en cas de vente du bien immobilier pour l'achat d'un bien immobiliers tiers". 

Partant du constat par ailleurs largement partagé suivant lequel "la difficulté d'obtention de prêt immobilier entraîne en conséquence un blocage significatif de l'ensemble du marché de l'immobilier : les vendeurs ne parviennent plus à vendre, et les acheteurs à acquérir", il propose de rendre, à l'avenir, obligatoire la transférabilité des prêts. Mais là encore, ne pouvant s'appyuer sur une étude d'impact préalable, il reprend quelques contrats factuels régulièrement partagés depuis quelques années : une hausse des prix immobiliers rendant la réalisation des projets trop difficile à réaliser, des taux des crédits élevés ou la difficultés à obtenir des drédits immobiliers. Sans toutefois avoir mentionné la haisse des taux des crédits consécutives au changement de stratégie de la BCE ou la mise en oeuvre de la recommandation du HCSF visant à resserrer l'accès au crédit immobilier. Ou sans avoir proposée, par exemple, de baisser les prix immobilier par action sur les coûts de production des logements neufs ou sur les frais d'acquisition des logements ainciens. Mais comme là n'est certainement pas le fond du problème, il est dommage qu'une fois encore les conséquences d'une telle proposition n'aient pas été envisagées !

Car rendre obligatoire la possibilité de transfert d'une prêt immobilier présente des risque non négigeable, voire majeur, pour le modèle français de financement du logement, réputé par ailleurs être l'un des plus protecteur pour les emprunteurs ! Alors que son efficacité et sa solidité sont régulièremenr saluées par l'autorité nationale de contrôle des banques, l'ACPR, le rappel de ses spcificités suffit à montrer en quoi le modèle français est différent des autres, même au niveau européen : des taux fixes sur l'enesmble de la maturité du p^ret, la garantie de la majorité des prêts par un système de cautionnement et une évaluation de solbalité de l'emprunteur basée sur l'analyse de ses revenus et non sur la valeur de la crise de son bien immobilier... Tout cela faisant que la France a par exemple traversé la crise des "subprimes" sans désastres majeurs, alors que ses partenaires européens ont dugérer une crise exceptionnelle; sans oublier que la hausse des taux des crédits consécutive aux décisions prises par la BCE au printemps 2022 n'a pas eu, en France, de conséquences sur le coût et/ou conditions de remboursement de la dette immobilière des emprunteurs et les 9 millions de ménages concernés. 

Rendre obligatoire la transférabilitré reviendrait en effet à remettre en cause l'équilibre du modèle français puisqu'afin de ne pas dégrader leur rentabilité, les prêteurs devraient augmenter les taux fixes. Ou plus probablement généraliser les offres à taux variable : avec des conséquences redoutables pour les emprunteurs en cas de retournement de la courbe des taux. 

Et au final, il n'est pas certain que le résultata obtenu soit celui qui est escompté. Surtout que les "heureux" bénéficiaires de cette nouvelle formule devraient recourir à un prêt complémentaire dont les conditions reflèteraient presque sûrement les contraintes de l'équilibre économique que la "nouvelle" transférabilité aurait boulverser dans la plupart des banques. 

Aussi, il conviendrait d'être très prudent dans la mise en oeuvre de cette "nouvelle" transférabilité. Surtout en l'abscence d'une véritable étude d'impact en chiffrant précisément les avantages et les inconvénients. Car sur un marché fragilisé par tant d'année de crises et d'abscence de volonté publique d'éviter une récession sévère, la reprise qui se dessine déjà n'a certainement pas besoin d'un nouveau "coup de Jranac". Sauf bien sûr, si l'objectif finalement recherche est celui de l'enracinement des marchés dans cette récession salvatrice que beaucoup de décideurs semblent avoir appelé de leurs voeux. Et dans ce cas, quoiqu'il en soit, une chose est sûre : le responsable qui sera pointé, à tort et comme toujours, sera à coup sûr la banque; cela permettant évidemment d'affranchir de toute responsabilité les décideurs politiques et les autorités monétaires françaises.

 

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